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OpenDyslexic, Dyslexie font, et autres polices pour dyslexiques, est-ce-que ça marche vraiment ?

8 minutes de lecture

 

OpenDyslexic, Dyslexie font, et compgnie : polices pour dyslexiques, est-ce que ça marche vraiment ?

 

Les polices dites « dyslexie-friendly », comme OpenDyslexic ou Dyslexie Font, sont de plus en plus utilisées dans les écoles, les outils numériques et les livres adaptés.

Leur promesse ? Faciliter la lecture pour les personnes dyslexiques grâce à des formes de lettres spécifiques censées limiter les inversions ou confusions visuelles.
Mais que dit réellement la science ? Les résultats sont-ils à la hauteur des attentes ? Dans cet article, nous faisons le point sur l’efficacité réelle de ces polices, en nous appuyant sur des études scientifiques récentes, et des avis d’experts.

Polices spécialement conçues pour la dyslexie

Depuis quelques années, des polices adaptées à la dyslexie comme OpenDyslexic ou Dyslexie font ont soi-disant été développées pour améliorer la vitesse et la précision de lecture.

De manière générale, les résultats restent mitigés et controversés (Bachmann & Mengheri, 2018 ; Marinus et al., 2016).

OpenDyslexic

Certaines études n’ont pas trouvé de bénéfice significatif sur la vitesse ou la précision de lecture, que ce soit chez les enfants dyslexiques ou non (Wery & Diliberto, 2017).

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exemple opendyslexic

Dyslexie font

Même constat, sans amélioration notable dans une étude menée auprès d’enfants dyslexiques et non-dyslexiques (Kuster et al., 2018).

 

👉 D’ailleurs , le titre de l’article scientifique est  clair : Dyslexie Font ne favorise pas la lecture chez les enfants avec ou sans dyslexie.

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exemple de police dyslexique

Résultats

Les résultats ont montré que les lecteurs en difficulté lisaient mieux (c’est-à-dire 7 % de mots en plus par minute) avec la police Dyslexie qu’avec la police Arial à espacement standard. Cependant, lorsque l’espacement entre les lettres et entre les mots d’Arial était ajusté pour correspondre à celui de Dyslexie, la différence de vitesse de lecture n’était plus significative.

Les auteurs ont conclu que l’efficacité des polices OpenDyslexic, Dyslexie font, et autres polices pour dyslexiques ne réside pas dans la forme particulière de leurs lettres, mais dans ses réglages d’espacement spécifiques.

 

STOP au marketing !

👉 L’inefficacité de ces polices pour les dyslexiques comme OpenDyslexic ou Dyslexie font, n’est pas qu’un avis isolé. De nombreuses sources reconnues, comme France Dylexia, Culture Dys, Lexidys, ou la COMU de l’Université de Franche-Comté, le confirment aussi :

‼️ Pas de preuve scientifique de l’efficacité de ces polices soi-disant pour dyslexiques.

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L’importance de l’espacement et de la taille de police

Les recherches montrent que ce n’est pas uniquement la police pour dyslexiques qui compte, mais surtout l’espacement et la taille des caractères :

  • L’augmentation de l’espacement entre les lettres et les mots améliore la lisibilité chez les enfants dyslexiques (Galliussi et al., 2020 ; Slattery et al., 2016).
  • L’espacement interligne et la taille de police influencent aussi la performance de lecture (Masulli et al., 2018).
  • Une étude indique que la combinaison de l’espacement et du type de police peut avoir un effet notable sur la capacité de lecture (Duranovic et al., 2018).

Ces résultats suggèrent que télécharger une police dyslexie gratuite n’aide pas forcément les dyslexiques : il vaut mieux penser à l’agencement du texte !

exemple d'espacement interlettre pour enfant dyslexiques
exemple d'espacement interligne pour dyslexiques

Aider son enfant dyslexique à mieux lire : quelles polices choisir ?

Pour soutenir un enfant dyslexique dans l’apprentissage de la lecture, le choix de la police de caractères peut faire une vraie différence. Il est conseillé d’utiliser des polices sans empattements, appelées aussi sans serif. Ces polices sont plus simples et plus lisibles pour les enfants ayant des troubles de la lecture.

C’est quoi une police avec ou sans empattement ? avec ou sans serif ?

exemple de police sans empattement sans serif
exemple de police avec empattement avec serif

Voici quelques exemples recommandés pour les enfants avec dyslexie :

  • Verdana : très appréciée, elle permet de bien distinguer certaines lettres souvent confondues, comme le « I » majuscule et le « l » minuscule (ex. : Il/il).

  • Arial, Helvetica, Lucida, Tahoma, Calibri ou Avenir sont des polices faciles à lire pour les enfants dyslexiques. Claires, elles sont souvent déjà disponible dans les logiciels que vous utilisez à la maison.

💡 Bon à savoir : ces polices sont gratuites et déjà intégrées à la plupart des outils que vous utilisez probablement déjà (Word, LibreOffice, Google Docs, Canva…).

Un petit changement de police peut grandement améliorer le confort de lecture de votre enfant !

Autres éléments influençant la lisibilité

  • Certaines polices, comme Luciole, sont conçues pour les personnes malvoyantes et peuvent aussi bénéficier à certains lecteurs dyslexiques (Galiano et al., 2023).
  • Des polices de simulation reproduisent visuellement les difficultés de lecture des dyslexiques à des fins pédagogiques (Stark et al., 2022).
  • La neuropsychologie de la lecture montre que la perception de la forme des mots, des polices et de l’écriture manuscrite implique des réseaux cérébraux spécifiques (Bigsby, 1988 ; Barton et al., 2010).

Conclusion

OpenDyslexic, Dyslexie Font, et compagnie ? Franchement, c’est surtout du marketing bien emballé !

Arrêtons d’entretenir l’illusion selon laquelle les polices dites « pour dyslexiques » (comme OpenDyslexic ou Dyslexie) seraient miraculeuses. Leur popularité tient surtout au fait que les arguments commerciaux exploitent la dimension émotionnelle en laissant espérer qu’elles pourraient « soigner » la dyslexie.

Or, les données scientifiques disponibles sont claires à ce sujet : elles ne montrent pas d’effet bénéfique des soi-disant “polices pour dyslexiques”. Lorsque des améliorations de performance ont été observées, elles ne provenaient pas du style de police en lui-même, mais de leur espacement accru entre les lettres. De plus, un enfant dyslexique, devenu adulte, sera confronté à des textes rédigés avec des polices classiques et non avec ces polices spécialisées. Ainsi, la stratégie la plus pertinente consiste à utiliser une police courante, de type sans serif (c’est-à-dire dépourvue de petits traits), et à augmenter légèrement l’espacement entre les lettres.

En résumé, pour améliorer la lisibilité, il est plutôt recommandé :

  1. de privilégier des polices sans empattement claires (Arial, Verdana, …),
  2. d’augmenter l’espacement entre les lettres et les mots,
  3. d’adapter la taille de la police.

Pour les enseignants et les parents, il est donc recommandé de tester différentes combinaisons de police, taille et espacement, plutôt que de se fier uniquement à une police « dyslexie ».

 

 

Bibliographie

Source images : medianes.org

 

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Galliussi, J., Perondi, L., Chia, G., Gerbino, W., & Bernardis, P. (2020). Inter-letter spacing, inter-word spacing, and font with dyslexia-friendly features: testing text readability in people with and without dyslexia. Annals of Dyslexia, 70(1), 141–152. https://doi.org/10.1007/s11881-020-00194-x

 

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